Pierre Alferi
Poète, romancier, essayiste, traducteur, plasticien, cinéaste, enseignant aux Beaux-Arts, Pierre Alferi est mort. Il a publié 15 livres aux éditions P.O.L. Il a aussi créé en 1995, avec Olivier Cadiot, "La Revue de Littérature Générale". Il venait d'avoir 60 ans.
-
La poésie reste le centre névralgique du travail de Pierre Alferi. Mais, depuis La voie des airs (2004), elle a pris des formes trop grandes (comme les panneaux calligrammes du tramway dans le nord-est parisien) ou trop hybrides (livrets, prosimètres, poèmes dessinés) pour tenir dans un livre. Elle s'est aussi éparpillée en séries discrètes adaptées à des supports éphémères. divers chaos reprend et agence une quinzaine de ces suites, dont les premières versions datent, pour la plus ancienne de 1991, pour la plus récente de 2019. Mais toutes partagent la brièveté, la vitesse, et une particulière légèreté. De courtes strophes faites de vers brefs, parfois jusqu'au haïku, dont les objets sont souvent minuscules et triviaux.
Surtout instables, voire chaotiques - leur surface comme animée par un mouvement brownien. C'est la métamorphose quotidienne de la rue. C'est un aide-mémoire pour les trente-six essences volatiles qui entrent dans la plupart de nos parfums. Ce sont les formes équivoques, psychosomatiques, des algues ;
Les bestioles furtives de l'été ; l'attrait et le dégoût des odeurs corporelles ; les joies du saut d'obstacle ;
L'apparition d'une enfant ; l'éclosion des pivoines ; un graffiti ancien, tracé en plein désastre. C'est donc écrit pour saisir ce qui passe, dans son ambiguïté, son incertitude, sa fragilité - son passage. Mais aussi pour dire ce qui ne passe pas : le malaise et la cruauté, l'arbitraire, le chaos.
Ce livre comporte également 45 illustrations originales de l'auteur.
-
2103. An quarante de la nouvelle ère. Ce qui reste de l'humanité survit dans des nacelles suspendues au- dessus de la Terre. De frêles esquifs, dans la haute atmosphère où l'air est encore respirable, et rattachés à un mysté- rieux Navire Amiral, abritent d'étranges survivants. La surface de la terre, en surchauffe, voit se succéder épidémies et cataclysmes. Il a fallu se faire à la vie suspendue entre ciel et terre. Les minuscules communautés inventent une nouvelle vie, chacune mal soudée par un hobby qui les rassemble. On ne mange plus, on s'imprègne. On surgèle les mourants, et plus haut, des « aristechnocrates » surveillent, et plus haut encore le Navire Amiral se tait.
Ce grand roman poétique d'anticipation est construit à partir de documents divers qui forment une biblio- thèque imaginaire du futur. Différents narrateurs témoignent de tranches de vie, de péripéties simultanées. Chacun a sa langue et son registre ; roman par lettres, propagande, poésie épique, haïku, journal, mails, blogs, chats, chanson- nettes, hymnes. Et découverts en dix langues différentes ! Tous ces textes donnent un aperçu comique ou atroce, révoltant ou touchant, de cet avenir.
Pierre Alferi a réussi un tour de force. De nacelle en nacelle, le lecteur explore une nouvelle vie humaine dans le ciel autour de feu la Terre. On y retrouve surtout les tendances les plus folles de notre société contem- poraine : écartèlement des classes, saccage du vivant, insularisation et hyperconnection, dérives transhumanistes, hédonisme sexuel et indifférence...
Une interface 3D sera mise en ligne pour la sortie du livre.
-
2103. An quarante de la nouvelle ère. Ce qui reste de l'humanité survit dans des nacelles suspendues au-dessus de la Terre. Dans la haute atmosphère, où l'air est encore respirable, de frêles esquifs rattachés à un mystérieux Navire Amiral abritent d'étranges survivants. La surface de la Terre, en surchauffe, voit se succéder épidémies et cataclysmes. Il a fallu se faire à la vie suspendue entre ciel et terre. Les minuscules communautés inventent une nouvelle vie, chacune mal soudée par un hobby qui les rassemble. On ne mange plus, on s'imprègne. On surgèle les mourants, et plus haut, des « aristechnocrates » surveillent, et plus haut encore le Navire Amiral se tait.
Hors sol est un grand roman poétique d'anticipation qui, de nacelle en nacelle, invite le lecteur à explorer une nouvelle vie humaine dans le ciel autour de feu la Terre. On y retrouve surtout les tendances les plus folles de notre société contemporaine : écartèlement des classes, saccage du vivant, insularisation et hyperconnexion, dérives transhumanistes, hédonisme sexuel et indifférence...
-
C'est le texte de trois pièces - Répète, Coloc, Les Grands - commandées et drées par Fanny de Chaillé. Pour parler, donc, de plein de choses, comme tous les jours. Mais aussi, se parler à distance, transcrit, trahi. Etre parlé.e.s, ventriloqué.e.s.
-
Ce volume reprend l'ensemble des textes écrits au long des années et réunis par Pierre Alferi en vue de son habilitation comme professeur de l'enseignement supérieur. Des années de théorie et de pratique sur la poésie, sur la prose, sur la littérature et sur la question des rapports entre prose et poésie. Ce qui distingue Pierre Alferi de tous les théoriciens c'est qu'il est aussi un homme de l'art : essayiste, donc, mais aussi romancier, et poète. Ce qui le distingue, enfin, définiti- vement c'est un corrosif sens de l'humour qu'on est peu habitué à rencontrer dans ces parages.
-
- Récapitulons : le monde a une longueur d'avance sur vous vous espériez le rattraper en vous lançant dans la première histoire d'amour venue et vous vous retrouvez je vous cite cernée par des objets et des gens menaçants plus perdue que jamais.
- Exactement. - Vous implosez vous venez me voir je vous en félicite. - Je n'y suis pour rien. - C'est pourtant ce que vous avez fait de mieux et maintenant vous refusez le traitement ? vous vous croyez soudain guérie parce que vous avez acquis la certitude je vous cite que quelqu'un veille et vous protège tout cela sur la foi d'un post-it ramassé sous un meuble c'est bien ça ? - En gros oui. - Alors vous voilà prête à mener l'enquête sur vos proches qui je vous cite vous cachent des choses depuis le début concernant certains fruits ? - Avec votre encouragement j'y mettrai tout mon coeur.
- Ah mais non surtout pas je vous le déconseille je vous le déconseille vivement.
-
Cher lecteur ou chère lectrice, on m'appelle Ben. J'ai dix-neuf ans et un CDD au musée de l'Ecole de Médecine de Liguse. A la suite d'une rupture, j'ai emménagé dans les quartiers nord - 17, rue de la Cité. Mes voisins sont charmants. La rue est fréquentée la nuit, mais les petits trafics y sont inoffensifs, et tout le monde vit en bonne intelligence. Pourtant, depuis quelques semaines, une vague de crimes s'abat sur nous : destruction, explosion, enlèvement, expropriation. J'ai mené mon enquête. Je connais maintenant les auteurs. je ne crois pas qu'ils l'aient deviné, mais je préfère prendre les devants. Sachez donc qu'il s'agit de
-
" tout ce qu'on aurait pu être ici, on l'est quelque part ailleurs ".
Auguste blanqui.
-
-
À l'ère téléphage, le câble fait valser les films en boucle et le satellite les met en orbite en attendant les self-serveurs. Le cinéma peut tout partager avec la télé, il lui résistera par un trait bien plus que technique : la projection vient de derrière, nous met en garde. Le caisson lumineux, lui, nous plonge dans son tube. Les films y sont des souvenirs, déchets, carlingues de vieux vaisseaux encombrant le ciel cathodique. Souvenir d'une séance, mais sans son sex-appeal. Souvenir qu'on n'a pas, et désir d'une séance. Occasion d'un retour critique ? Plutôt : comme on enfourche un cheval de manège, en saisir un au vol et jouer la curiosité contre la nostalgie.
Cette suite d'articles, pour la plupart publiés en ligne sur le site des Cahiers du cinéma, certains dans la revue Vacarme, s'organisent autour de quelques faits ou éléments constitutifs, pour Pierre Alferi, du pouvoir qu'exerce le cinéma sur nous. D'abord le fantastique et l'immaturité qui sont d'ailleurs, hors même le genre dit fantastique qui fait ici l'objet de beaux développements, au coeur du cinéma qui produit des fantômes animés. Pierre Alferi s'attache à l'évocation et à la critique aussi bien des films à effets (science-fiction, monstres, vampires, etc.) que d'oeuvres plus discrètes, elliptiques, mais pas moins efficaces (ainsi du cinéma de Jacques Tourneur). Ensuite la mélancolie filmée à travers cette manière qu'ont certains héros non pas de regagner le monde qui leur a été refusé, mais d'en faire leur deuil. Ensuite encore, bien sûr, les acteurs, ce qui les fait, peut-être, des êtres d'un genre unique dont les personnages endossés seraient les espèces. Quelques portraits pour cerner une singularité qui ne s'affiche pas, hyperphysique, qui se laisse entrevoir de rôle en rôle, entre les avatars.
Enfin, quelques articles imaginent des cinéastes à partir de leurs films. Certains s'appuyèrent sur un modèle déjà classique du beau, dans le théâtre et la peinture, pour maintenir farouchement une volonté d'art dans l'usine à films (Lang, Murnau, Ulmer, Preminger). D'autres, arrivés un peu tard, ont mimé cette volonté (Minnelli, Corman, Lynch, Kitano).
-
Les poèmes de La Voie des airs sont du genre lyrique sec. Une voix en appelle une autre pour donner forme aux forces qui lient un homme à une femme, une conscience précaire aux corps et décors qui la traversent quotidiennement. Airs de musique et liaisons téléphoniques, fluide et traces lumineuses, ondes et vide chargé qui attire ou repousse, odeurs et influences, choses qui affectent d'autant plus qu'elles restent impalpables : cette matière s'est déposée en poèmes brefs, où un simple tiret marque un changement d'angle ou de rythme.
-
Dans la famille lambda vous demandez la mère, le père, le frère, la soeur.
Chaque fois que vous attendez une carte, vous en obtenez au moins deux : mammère première la naturelle, mammère seconde l'adoptive, mompère l'espion, le pianiste, le pasteur, un frère proliférant dans les fourmilières et la mousse, une soeur poupée ou cantatrice, etc.
Dans le cinéma des familles, chacun porte sur l'écran une ombre démesurée où l'autre peut se fondre. leur rencontre a lancé des scénarios de crimes, de sacrifices, de fugues, de retrouvailles.
Jim fut-il condamné à tort ? quel âge avait tom ? rose a-t-elle survécu ? alice est-elle idiote ? où va la rivière ? suis-je un monstre ? avec ça, les témoins s'inventent des dialectes, car ce sont des enfants. et là où une autofiction aurait cru rassembler les membres, le cinéma de toutes les familles démultiplie le foyer, le disperse jusqu'à la lune, jusqu'aux étoiles. c'est alice qui chante cela.
Le film a déjà commencé.
-
Ce sont des poèmes improvisés comme une conversation. Un exergue extrait un sujet. Donc on voit en gros de quoi ils parlent (damour, du jour et de la nuit, de temps, de cinéma, de mouvement), et précisément ce quils disent, mais pas très bien ce quils veulent dire. Ils repoussent le sens dune image à lautre, quils défont, dune phrase à lautre, quils coupent, un peu comme on frappe un ballon. Peut-être quils ne riment à rien? Peut-être quils sont fidèles, en esquivant la communication, à un 'sentiment monstre', à une expérience du présent où 'aucun flou nest évitable'.
-
Un homme se dit prisonnier du regard d'une femme. Il part à la rencontre de n'importe qui. Une histoire se noue, se dénoue. Le couple se penche sur la petite différence, le petit différend qui l'a fait basculer. Il s'agit donc d'amour : hantise et abandon, désir et déception. Il y a de la mystique, des adresses, de la pornographie, des scrupules. Et il s'agit de genres : féminin, masculin et neutre, prose et poèmes en prose, confession et dialogue, vidéo littéraire, récit de voyage urbain, sermon, science-fiction, brèves épiphanies sexuelles, monologues intérieurs. «Prostitution de l'âme» et décentrement du langage.
-
Le narrateur se soumet à quatre expériences. La première est de sortir. La deuxième, de passer le temps. La troisième, de rentrer chez soi. La quatrième de regarder.
Récit d'une aventure.
-
Genre : poésie, faite ici des mouvements les plus quotidiens du corps, du regard et de la pensée, refaits et repensés.
Sujet : variété de ces mouvements (dérive, chute, oscillation...), courbes décrites lors d'un transport (nage, mémoire ou promenade), petits gestes, petits mobiles.
Forme : syntaxe de ces mouvements, rythme qui fait franchir le pas, vers enjambés.
Allures naturelles : machinales et forcées, comme est la marche des animaux.
Les dix suites brèves qui composent ce livre ont pour thème chacune un mouvement accompli tous les jours, qu´une à cinq variations décomposent, interprètent, et surtout essaient d´imprimer. Le seul souci poétique de ces pages, par ailleurs sans apprêt, est rythmique : produire par tous les moyens - de la syntaxe, de la prosodie, de la ponctuation - un équilibre instable qui soit une légèreté en même temps qu´un entraînement, comme un enfant apprend à marcher, un derviche à tourner. Ces mouvements qui ne sont ni métaphoriques ni mécaniques, mais vécus sans qu´on s´y arrête, Pierre Alferi a choisi de les appeler «allures naturelles», par analogie avec la démarche instinctive des chevaux.
-
Au début du XIVe siècle, Guillaume d'Ockham assigna à la philosophie une tâche nouvelle, dont elle a encore à s'acquitter : penser la singularité de chaque chose, décrire depuis ce point irréductible le contenu de l'expérience et le fonctionnement du langage.
Pour cerner ce projet, on propose ici une interprétation systématique de la pensée d'Ockham.
En affirmant résolument leur singularité, il cherche dans les choses mêmes un point de départ modeste pour la philosophie. C'est le projet d'une ontologie réduite à sa plus simple expression. Il demande à l'expérience de montrer comment cet arbre, cette pierre devient pour nous l'élément d'une série - les arbres, les pierres.
C'est le projet d'un empirisme. Il demande au langage de montrer que l'on peut, fût-ce par des termes généraux, signifier des choses singulières, afin d'analyser la référence sous toutes ses formes. C'est le projet d'un nominalisme.
Singularité, sérialité, référence : trois faits fondateurs et trois questions à nouveau ouvertes. Qu'est-ce que le singulier ? Comment, autour de lui, constituer des séries ? Comment le signifier ?
P.
A.
-
Sylvie Fanchon
Pierre Alféri, Ingrid Luquet-Gad
- Ecole nationale superieure des beaux arts
- 10 Février 2021
- 9782840567653
-
Compagnon de route de Suzanne Doppelt dans la revue Détail, complice d'Olivier Cadiot pour la Revue de littérature générale et traducteur des poètes américains les plus iconoclastes (Louis Zukofsky, John Ashbery), Pierre Alferi est une importante figure du renouveau poétique et littéraire des trente dernières années. Si le travail de Pierre Alferi s'inscrit à la fois dans les milieux de la poésie, du roman, du théâtre, de l'essai, mais aussi du cinéma, de la musique ou encore du dessin, il en explore d'autant plus les territoires limitrophes à travers l'examen, le déplacement et le branchement des techniques, des médias et des formats.
En interrogeant nos usages du langage et des signes et en testant divers dispositifs de pensée, Alferi mène une réflexion sur le réel marquée par l'attention, l'exploration et l'expérimentation, ouvrant ainsi un espace, tel un courant d'air, d'élucidation et de reconfiguration de la pluralité d'aspects de nos conditions de vie.